La récente nomination par l’Union africaine (UA) d’un envoyé spécial pour le Sahel, avec pour mission d’engager le dialogue avec les autorités de l’Alliance des États du Sahel (AES), soulève des interrogations politiques majeures. S’agit-il simplement d’un geste diplomatique dans une région en crise ou d’une reconnaissance tacite de la légitimité des régimes militaires au pouvoir au Burkina Faso, au Mali et au Niger ?
Depuis la création de l’AES en 2023, le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont manifesté une volonté claire de rompre avec les institutions régionales classiques, notamment la CEDEAO. Leur retrait de cette organisation, acté début 2024, a redéfini les rapports de force en Afrique de l’Ouest, créant une nouvelle dynamique géopolitique fondée sur la souveraineté, la sécurité et la coopération intergouvernementale directe.
Dans ce contexte, l’Union africaine, traditionnellement attachée aux principes démocratiques et au respect de l’ordre constitutionnel et surtout aux orientations venus d’ailleurs, se trouve confrontée à un dilemme stratégique. En nommant un envoyé spécial chargé d’un dialogue avec les autorités de l’AES, elle semble opter pour une approche pragmatique, voire réaliste, qui privilégie la stabilité régionale et la prévention des conflits à la rigidité normative.
Ce geste pourrait être interprété comme une reconnaissance de fait, sinon de droit, de l’autorité politique exercée par ces gouvernements de transition. En acceptant de dialoguer directement avec eux, l’UA acte leur rôle central dans les équilibres sécuritaires du Sahel et reconnaît leur capacité d’action, notamment dans la lutte contre le terrorisme et la gestion des enjeux humanitaires.
Toutefois, cette ouverture diplomatique ne saurait être confondue avec une validation formelle. Elle traduit plutôt une adaptation tactique aux réalités du terrain, dans un espace où l’urgence sécuritaire et les risques d’isolement stratégique de l’organisation continentale imposent une posture plus souple. La nomination de cet envoyé spécial apparaît comme un signal fort, l’Union africaine choisit le dialogue avec l’AES, non par adhésion idéologique, mais par nécessité politique et sécuritaire.
Amen K.